L’image de la femme évolue constamment durant les époques. Au Moyen Âge la corpulence était signe de fertilité et les femmes bien en chair étaient considérées comme les plus belles. Aujourd’hui, on prône un autre idéal qui va de la minceur, à la valorisation de la performance et de la maîtrise. Les tentations sont nombreuses dans notre société de consommation : publicités sur des produits ultra-transformés hypercaloriques, livraison à domicile, prix élevés des aliments sains… Cela serait à l’origine d’une dissonance cognitive et d’une perte de repère pour les adolescents.
La prévention et le repérage précoce sont indispensables pour déceler au plus tôt le ou les troubles alimentaires et permettront d’éviter le développement d’une forme chronique de la maladie associée à des complications somatiques et psychiatriques. De nombreux outils permettent le repérage précoce des troubles, notamment l’EDE (Eating Disorder Examination) ou encore le SCOFF-F (Sick, Control, One, Fat, Food), très utilisé par les médecins généralistes. Ce dernier a été recommandé par la Haute Autorité de Santé (HAS) pour le diagnostic des TCA et est même proposé en auto-diagnostic en ligne pour orienter au plus tôt les patients vers une prise en charge.
L’hospitalisation à temps plein pour les situations d’urgence ?
En fonction de la gravité des troubles ou de l’urgence somatique ou psychiatrique, l’hospitalisation peut se révéler être la meilleure solution. Contrairement aux anorexiques, les boulimiques sont rarement hospitalisés sauf pour dépression grave ou pour rompre le cycle de crise de boulimie. Les hyperphagiques non plus, sauf en cas de complications somatiques graves en raison de la prise de poids ou de dépression.
Le principe de l’hospitalisation est de couper l’adolescent de son environnement pour l’ouvrir à d’autres modes relationnels dans un premier temps seulement. Dans les cas d’anorexie, une reprise de poids lente et progressive est indispensable pour pallier l’angoisse et éviter un syndrome de renutrition inapproprié.
Durant l’hospitalisation, le but sera de créer puis de maintenir une alliance thérapeutique entre le patient, la famille et les médecins (pédiatre, psychiatre, diététicien(ne)), c’est-à-dire une relation de confiance où l’adolescent pourra se sentir soutenu et écouté. L’hospitalisation peut s’avérer être un processus compliqué et être vécu comme un nouvel abandon avec des conséquences potentiellement négatives telles que l’arrêt de la scolarité, le retrait social… D’ailleurs, une étude a pu mettre en évidence que l’hospitalisation d’adolescentes souffrant d’anorexie s’avérait moins bénéfique qu’une prise en charge en ambulatoire (Gowers et al. 2000). Sur 75 patientes, seules 14 % des patientes hospitalisées ont connu une évolution satisfaisante contre 62 % non hospitalisées.
Alors qu’en est-il de la prise en charge en ambulatoire ?
Aujourd’hui, la HAS (2019) préconise une prise en charge ambulatoire en première intention pour les personnes souffrant de TCA et pour faire suite à une hospitalisation puisque les patients ne ressortent pas totalement guéris et que les risques de rechutes sont importants.
Le but est d’instaurer un nouveau suivi pluridisciplinaire pour maintenir la croissance de l’adolescent, une alimentation spontanée, la capacité de s’alimenter en société et la redécouverte des sensations en rapport avec l’alimentation.
Au niveau psychothérapique, il existe de nombreuses méthodes. Pour la boulimie, celles qui ont montré un plus grand taux de réussite sont les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) qui donnent de meilleurs résultats à court terme que les thérapies interpersonnelles (FAIRBURN et al. 1995) mais cette efficacité n’est pas retrouvée dans l’anorexie (MCINTOSH et al. 2005). Les approches corporelles, l’art-thérapie, la musicothérapie pourront être complétées par d’autres thérapies de type TCC. L’utilisation de plusieurs méthodes ou l’utilisation de plusieurs thérapeutes peut s’avérer bénéfique car elle permet de diffracter le transfert en évitant les relations duelles pour éviter à une fusionnalité caractéristique chez les adolescents.
Dans la prise en charge de l’anorexie mentale, l’approche familiale avec le modèle Maudsley cherche à prévenir l’hospitalisation. On se focalise sur ce qui fait tenir l’anorexie et non sur les causes en rendant les parents acteurs dans la prise en charge.
En 3 phases sur environ 15 à 20 séances sur environ 12 mois. On cherche en premier à restaurer le poids grâce à la restructuration de la famille autour de la réalimentation en cultivant une attitude de non-jugement. Le but est aussi d’ouvrir à nouveau l’adolescent sur les relations avec la famille, ses amis et d’éviter l’isolement et les tabous vis-à-vis de la nourriture. En deuxième lieu, si la reprise de poids est satisfaisante, on redonnera à l’adolescent le contrôle de son alimentation en ayant toujours un regard bienveillant vis-à-vis de l’alimentation. Enfin arrive la dernière étape qui visera à laisser l’adolescent construire sa propre identité en se séparant de sa maladie. Un nouveau départ pour une nouvelle vie…
Marion LATOUR
Nutritionniste chez Nutrimis