8 mois ago

Le confinement a-t-il favorisé la consommation de malbouffe ou le fait maison ?

   Au XXIème siècle, avec le travail devenu une priorité et le manque de temps un fait, nos besoins doivent être satisfaits le plus rapidement possible. Devoir cuisiner des produits frais est devenu une charge trop lourde, et on opte plus facilement pour un restaurant, ou bien des aliments industriels comme des plats préparés MRE (meal ready-to-eat) ce qui revient moins cher. 

Toutes ces habitudes ont changé à la suite de l’annonce gouvernementale du 16 mars 2020, qui stipulait le début du confinement national et l’arrêt du travail sur place dans les sociétés et industries non essentielles. Le télétravail a permis de ne plus excuser la malbouffe et les produits industriels par le manque de temps, et le fait maison paraissait plus faisable. Cependant, il semblerait que le manque de temps ne soit pas la seule raison de ces habitudes alimentaires. En effet, d’autres facteurs ont été mis à l’épreuve et dévoilés dans la vie de chacun, ce qui les a mené à prendre des décisions et choix alimentaires différents pendant le confinement. 

       Le confinement

   La pandémie du Coronavirus ou Covid19 a bouleversé le quotidien de tous les habitants du monde lorsque le port du masque, les prises de mesures sanitaires et le confinement sont devenus généraux et obligatoires. Les sorties minimisées, le télétravail devenu une priorité, la frustration de ne pas connaître l’issue de la pandémie ou le soulagement de pouvoir travailler de chez soi et d’avoir plus de temps. Dès le début du confinement,  il a eu une vague d’achats massifs de produits en conserves car personne ne savait combien de temps le confinement allait durer ; à quel point les règles seraient strictes dépendant du nombre de nouveaux cas et si les magasins allaient fermer tout comme les restaurants et commerces de détail. Le simple fait de sortir moins fréquemment a aussi eu un impact sur le taux d’achats. 

En cette période, nous sommes contraints de vivre au quotidien avec un même groupe de personnes, que ce soit la famille, un conjoint/conjointe, des amis, des colocataires, partager le même espace, le même environnement chaque jour, pendant le repas comme pendant les moments de travail à distance. Certains sont loin de leurs familles et ne peuvent pas voyager, d’autres aimeraient pouvoir passer une journée avec des amis, certains même aimeraient pouvoir avoir un moment seul. Les seuls liens sociaux extérieurs à ceux du lieu de logement se font par le biais d’internet, des messages, des réseaux sociaux, des appels organisés au sein du télétravail. Le confinement signe en quelque sorte un arrêt de la vie sociale et un arrêt des rencontres. Nous sommes des êtres qui changent constamment, mais le confinement, bien qu’il annonce un changement radical dans notre quotidien, annonce aussi un arrêt de nos habitudes. Le télétravail, bien qu’il ne soit pas toujours très pratique, va favoriser l’adaptation aux changements environnementaux et garder au moins une vie professionnelle active. Ce changement va favoriser la création de nouvelles habitudes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. 

           Que se passe t’il lorsque l’on a plus de temps ? 

      La vie en télétravail a permis d’avoir plus de temps entre nos mains : pas de temps à perdre dans les trajets entre le domicile et le lieu de travail, pas de nécessité à se préparer, pas de sorties, ni de soirées à venir. Ce gain de temps sort totalement de notre routine de tous les jours, ce qui peut être reçu de manière positive chez certaines personnes et déprimant pour d’autres. Cette crise sanitaire a causé un changement radical dans nos vies ce qui a impacté nos émotions. Le confinement nous a forcé à faire face à nous même et à gérer notre quotidien d’une manière totalement différente. Il a fallu un certain temps pour que beaucoup de gens acceptent cette situation nationale et mondiale. Ce processus d’acceptation comprend 7 étapes : le choc de ce changement radical, le déni de la gravité de la situation, la colère d’être privé de certaines libertés, le marchandage qui comprend le désir de pouvoir dépasser ce manque de liberté, la dépression et la douleur de se retrouver face à nous même et potentiellement les personnes avec qui on vit, la reconstruction de notre vie et de nos habitudes, pour enfin laisser place à l’acceptation de la situation. 

Une étude faite via un questionnaire sur internet dans une université en Espagne a tenté de connaître l’impact du confinement et du télétravail sur le stress, la dépression et l’anxiété chez les étudiants. L’université regroupe plusieurs domaines dont les arts et l’humanitaire, l’architecture, la médecine et bien d’autres. D’après l’étude, ce sont les étudiants en bachelor qui semblent avoir le plus de cas de dépression, d’anxiété et de stress comparé aux étudiants en Master. Les étudiants en 6ème année, incluant uniquement les élèves en médecine, semblent avoir moins de signes de dépression et de stress que les bachelors.  Au total, 50.43% des 3707 élèves ont présenté des impacts négatifs modérés à sévère sur leurs émotions. [1] Ces émotions vont directement impacter les habitudes qui sont créées pendant le confinement, notamment les habitudes alimentaires.

        Nos habitudes alimentaires 

   Pendant le confinement, très peu de restaurants ont été ouverts mais les livraisons étaient encore fonctionnelles ce qui a permis à la population de pouvoir consommer des produits fast-food. Les sociétés de livraison à domicile comme Ubereats et Deliveroo ont vu le nombre de commandes augmenter pendant le confinement [2]. Les marchés et les petits commerçants, les boucheries, les boulangeries n’étant plus disponibles, le seul lieu ou l’on peut encore acheter ses produits est au supermarché. Faire des courses au supermarché peut favoriser l’achat de produits industriels, et la dépression le manque de motivation à cuisiner. De la même manière, travailler chez soi peut apporter un manque de motivation, ce qui impacte notre volonté à faire quelque chose de notre temps, ce qui laisse place à l’ennui et, naturellement, au grignotage (de produits industriels la plupart du temps). Les personnes pour qui le télétravail s’est avéré être un avantage dans leur vie actuelle, prendre le temps de cuisiner a pu être un autre point positif. Une étude faite en Pologne a montré que 43,5 % des personnes ayant répondu au questionnaire ont dit avoir plus manger pendant le confinement qu’avant, 51,8% ont dit avoir pris l’habitude de grignoter entre les repas, et 62,3% ont déclaré avoir plus pris le temps de cuisiner pendant le confinement. [3] Une autre étude française de Santé Publiques France a voulu connaître l’impact du confinement sur le changement des habitudes alimentaires de la population. Parmi l’ensemble des personnes interrogées : 27% déclarent avoir pris du poids, 11% en avoir perdu, 62% avoir un poids stable; 22% déclarent grignoter entre les repas plus que d’habitude, 17% moins que d’habitude, 61% n’ont rien changé ; 37% déclarent cuisiner des plats-maison plus que d’habitude, 4% moins que d’habitude et 59% d’entre eux n’ont rien changé. [4]. Ces études montrent globalement que le télétravail a permis de prendre plus de temps à la création de plats fait maison, mais il a également favorisé une habitude à grignoter et donc amené à la prise de poids.

Une alimentation en fonction de ce que l’on fait

    Avoir plus de temps ne veut pas forcément dire que l’on fait plus de choses. Le fait de ne pas se déplacer comme avant a un impact sur notre activité physique, et si l’on ne pratique pas de sport pendant le confinement, notre style de vie est bien plus sédentaire. Une étude faite par NutriNet Santé a montré une diminution du niveau d’activité physique pendant le confinement chez 52,8% des interrogés. [5] Une diminution de l’activité physique semblerait logiquement être liée à une diminution de nos besoins en énergie, donc de moins manger. Cependant de nombreuses études ont montré qu’en général les interrogés affirmaient avoir pris du poids pendant le confinement. D’autres facteurs que le manque d’activité physique pourraient avoir un lien avec le fait d’avoir pris du poids pendant le confinement. Certes le télétravail a favorisé des repas fait maison à la place du restaurant ou du McDonald’s, mais l’ennui est un grand facteur à la prise de poids. Lorsqu’on s’ennuie pendant un googlemeet ou un appel skype, ou bien devant un devoir ou un document à rédiger, être chez soi avec le réfrigérateur et les paquets de gâteaux à quelques pas est une solution. Comme de nombreuses études l’ont montré, le grignotage semblait avoir augmenté depuis le début du confinement. Même avec un style de vie plus sédentaire, l’apport nutritionnel reste élevé si pas plus élevé encore, avec une augmentation du fait maison accompagné d’une augmentation du grignotage (le plus souvent de produits industriels et transformés, comme les gâteaux, le chocolat, les chips etc).

Amberlee HUTCHINSON

Nutritionniste chez Nutrimis